Contact avec l'Essence: Le Chapitre Premier du Dàodéjīng
- Lionel Silberman

- Aug 10
- 14 min read
Updated: Aug 23
道可道,非常道
名可名,非常名
Toute voie qui peut être exprimée, n’est pas la Voie Immuable.
Tout nom qui peut s’exprimer, n’est pas le Nom Immuable.
無名天地之始
有名萬物之母
L'Indéfinissable est l’Origine de l’Univers.
Le Définissable est la Mère de la Diversité.
故常無欲 以觀其妙
常有欲 以觀其徼
Sans désir de connaître la logique et les normes, on perçoit alors leur Profondeur. Par le désir de connaître la logique et les normes, on perçoit alors leurs Frontières.
此兩者,同出而異名
同謂之玄
Tous deux émergent en une même apparence bien que leurs définitions soient différentes.
Tous deux ont le même Sens bien que leurs logiques soient insolubles.
玄之又玄,衆妙之門
Voilà la mise en abyme, le Mystère parmi les mystères,
Voilà la Porte menant aux innombrables Subtilités.
-Dàodéjīng 道德經, chapitre premier.
Cette traduction est le fruit d’une recherche personnelle visant à comprendre au plus près certains aspects essentiels du taoïsme. Mon objectif n’est pas seulement philologique : il s’agit pour moi d’éclairer et de nourrir ma pratique de l’énergétique chinoise ainsi que ma pratique méditative interne (nèigōng). Le premier chapitre du Dàodéjīng recèle une densité de sens qui, bien au-delà du texte, inspire directement la posture intérieure, le geste, et la qualité de présence. C’est dans cette perspective vivante que j’ai abordé la traduction, en cherchant à préserver à la fois la précision du sens et la force évocatrice du texte. Comme d'habitude, se rappeler que cette traduction n'est qu'une version parmi d'autres, elle ne cherche pas à être comprise comme Vérité pure. La Vérité Pure échappe à l'Humain: c'est entre autres, le sujet de ce premier chapitre. Cette relativité qui ne refuse pas l'Absolu, il m'a plu de le trouver dans mes lectures de ce Classique d'une profondeur vertigineuse.
Commentaire et choix de traduction
1. Ligne 1 & 2 - Sur la "Voie Immuable » et le sens d’immutabilité
Le chinois 常道 (cháng dào) est souvent rendu par « voie constante ». Or cháng signifie ce qui reste inchangé à travers le temps. J’ai choisi « Immuable », un terme que Jean Levi a également retenu dans sa traduction du Dàodéjīng, et que je considère ma foi indépassable.
Ce mot provient du latin immutabilis, construit sur mutare (« changer ») avec le préfixe in- (« qui ne »). La racine mutare résonne particulièrement avec la pensée taoïste, car elle rejoint la notion chinoise de yì (易) — la mutation, le passage incessant d’un état à un autre. En ce sens, « immuable » ne signifie pas inertie ou immobilité, mais ce qui traverse tous les changements sans se défaire de sa nature.
Cette notion me semble fondamentale pour comprendre le taoïsme comme une observation fine des phénomènes, une voie philosophique au sens essentiel du terme. Dès l’ouverture du Dàodéjīng, la logique taoïste installe l’idée d’une unité entre invariabilité et changement: une vision où stabilité et transformation ne s’opposent pas mais se soutiennent mutuellement. Ce phénomène trouve un écho dans la philosophie platonicienne, notamment dans le Timée, où l’Identique et le Différent sont combinés pour constituer l’âme du monde.
Ainsi, en symbiose avec cet idée formulée dans les deux premières lignes du texte, si je parle ici de philosophie antique, je le fais dans une idée de considérer le caractère immuable de sa Voie. Plus encore : l'idée de Philosophie Essentielle ou de Connaissance Essentielle me paraît plus pertinente que le terme "antique". Une philosophie essentielle ne s’ancre pas dans une chronologie figée (et linéaire) mais dans une idée atemporelle de l’essence. En tant que pratiquant en énergétique, en taoïsme, et étudiant en physique et philosophie, j'apprécie l'idée d'un temps non linéaire mais plutôt courbe et rythmé. L’« antique » y résonne avec l’essence d’une pratique, quel que soit son moment historique : comme dans le principe d’immuabilité, l’essence peut se manifester à toute époque, ce qui est le principe même de la Tradition.
La science a déjà théorisé l'idée: La relativité restreinte, formulée par Einstein, montre par exemple que la mesure du temps dépend de la vitesse et de la position de l’observateur. Deux événements perçus comme simultanés par moi ne le seront pas forcément pour un observateur se déplaçant à grande vitesse par rapport à moi. Autrement dit, il n’existe pas de temps universel unique : ce que j’appelle « passé » peut, pour un autre, appartenir à son présent, voire à son futur.
De cette relativité découle la théorie dite du « bloc-univers » , qui conçoit l’espace-temps comme un tout fixe et complet où passé, présent et futur coexistent déjà. Le temps ne « s’écoule » pas objectivement : c’est notre conscience qui se déplace le long d’une ligne à l’intérieur de cette structure déjà formée¹.
Le taoïsme exprime cette intuition d’une manière différente, à travers le concept de jīng (精) dans les Sānbǎo (Trois Trésors)² : l’Essence, substance subtile et constante, traverse les cycles du temps tout en se manifestant sous des formes changeantes au gré des transformations.
Cette compréhension de l’immuabilité, prise dans son sens profond, m’a personnellement permis de moins m’attacher à la notion de "passé' et de sortir de l’idée — souvent, depuis toujours répandue chez les conservateurs-puristes — que le passé serait une sorte de paradis « perdu » tandis que le présent serait un « enfer ». Elle m’a conduit à embrasser une vision plus nuancée et complexe, à la fois plus relative et, je crois, plus conforme à la réalité vivante du monde, où les lignes de temps définissent moins les directions où chercher la Sagesse, mais plutôt comment la rencontrer.

2. Ligne 3 & 4 - Le définissable comme fonction cosmologique de structuration
Le texte original oppose 無名 (wú míng, « sans nom ») et 有名 (yǒu míng, « ayant nom »). Plusieurs traductions rendent cela littéralement par « sans-nom » et « ayant-nom ». J’ai choisi de m’écarter de cette traduction pour exprimer míng par « définir » ou «définition».
L’étymologie de míng (名) me semble éclairer les choses sous un autre jour : le caractère associe (夕) (la lune, le soir) et 口 (bouche). Dans l’Antiquité chinoise, il évoquait l’action de proclamer un nom à haute voix au soir, quand il fait sombre. Par extension, il désigne le fait de rendre "visible", de préciser, de tracer des contours par la parole. Traduire par « définir » insiste sur l’idée que nommer implique d'informer sur l'inconnu mais, par là même, de limiter l’inconnu en le fixant dans une forme ou une idée.
De ce point de vue, dire que l’Indéfinissable est l’Origine de l’Univers revient à dire que ce qui échappe à toute définition est la source de tout, alors que le Définissable (ce qui peut être nommé, limité) est la "mère" de la diversité des formes. Ce passage du Dàodéjīng semble ainsi affirmer que toute définition d’un phénomène, si précise soit-elle, en limite inévitablement la portée et ne peut jamais assumer toute la réalité qu’elle tente de décrire.
Paradoxe, inévitable paradoxe de l'humain et de sa relation avec le Tout.

3. Ligne 3 & 4 - Univers et Diversité : une géométrie implicite
天地 (tiān dì, ciel et terre) évoque l’axe vertical du cosmos — le haut et le bas, le principe actif et le principe réceptif. J’ai choisi « Univers » pour rendre compte de cette totalité qui résonne avec l'infini. 萬物 (wàn wù, dix mille êtres) est une expression consacrée pour l’ensemble des phénomènes manifestés. Traduire par « Diversité » souligne ici la multiplicité horizontale du monde.
Il est intéressant de remarquer (j'ai été vraiment touché par ce constat, la première fois) qu’ici se dessine une sorte de géométrie implicite en croix : la verticalité de tiān dì croise l’horizontalité de wàn wù. Ce croisement, comme un axe cardinal, fonctionne presque comme un archétype de la réalité dans le Dàodéjīng : la totalité se structure en deux dimensions fondamentales — l’axe cosmique et le plan des phénomènes — qui s’interpénètrent. Cette géométrie symbolique pourrait être vue comme l’un des schémas profonds de la pensée taoïste, où chaque manifestation se situe à l’intersection de l’Originaire et du Multiple.
La croix est d’ailleurs un symbole universel, que l’on retrouve dans de nombreuses cultures. Dans le christianisme, elle exprime la rencontre du divin et de l’humain, du céleste et du terrestre. Ici, cette "croix" implicite que je relève joue un rôle similaire : elle relie deux plans de réalité dans un même schéma fondateur. Même en Chine, il semble important de définir la Verticale et l'Horizontale et par résonance sa Verticale et son Horizontale.. Haut Symbole de la Tradition Humaine.

4. Ligne 5 & 6 - Désir, connaissance et frontières
Le passage sur le désir est souvent traduit par « sans désir, on voit le mystère ; avec désir, on voit les manifestations ». J’ai choisi une formulation qui révèle d'autres détails :
Sans désir de connaître la logique et les normes, on perçoit alors leur Profondeur. Par le désir de connaître la logique et les normes, on perçoit alors leurs Frontières.
Dans l’expression 故常無欲 (gù cháng wú yù), le binôme 故常 mérite qu’on s’y arrête.
故 (gù) exprime une conséquence, un lien de cause à effet, une déduction. Il relie la phrase précédente à ce qui suit, comme dans un raisonnement où l’on tire une conclusion d’un principe établi. Il indique la notion de transmission de ce raisonnement.
常 (cháng) indique ce qui est constant, durable, régulier, et par extension ce qui relève d’une norme ou d’une loi implicite de la nature.
Réunis, 故常 ne se contente pas de signifier « donc, constamment ». Ce binôme suggère qu’on touche ici à une constance logique, à une déduction qui n’est pas seulement circonstancielle mais qui s’inscrit dans le temps long, presque comme un principe transmissible. Dans ce sens, on peut comprendre 故常 comme l’énoncé d’une norme transmise, une logique générationnelle: une règle observée comme un principe.
C’est précisément cette nuance qui m’a conduit à traduire 故常無欲 non pas par un simple « donc, sans désir » mais par :
« Sans désir de connaître la logique et les normes… »
On voit ainsi que la notion de « logique » et de « norme » évoquée ici n’est pas neutre : elle est indissociable d’une idée de permanence. Or, dans le contexte du Dàodéjīng, cette permanence peut produire un effet de rigidité des formes — la durée, en figeant certaines structures mentales ou sociales, risque de réduire la souplesse de la perception. Traduire 故常 en tenant compte de cette nuance, c’est donc rappeler que, pour "Laozi", la forme la plus stable peut aussi être celle qui entrave l’accès direct à la profondeur vivante des phénomènes.
Le caractère 妙 (miào, subtilité, merveille) mérite aussi attention : composé de 女 (femme) et 少 (shào, jeune, petit, émergent), il exprime l’idée d’une origine féminine d’où émerge quelque chose de neuf, donc une subtilité qui naît de la profondeur originelle.
Évidemment, je n’oublie pas le principe de non-désir global évoqué par d’autres passages du Dàodéjīng, qui constitue une exigence spirituelle plus profonde encore. Mais ici, cette traduction me permet de mettre en lumière un aspect particulier du sens : la distinction entre un regard qui s’efface pour laisser apparaître la profondeur, et un regard qui borne et enferme les phénomènes dans des cadres logiques. Le choix entre les deux donné par toute pratique.. ou peut être susciter l'idée d'un chemin qui dissout justement la frontière.
Ce passage laisse également entendre que le taoïsme relativise l’impact du savoir humain sur la perception pure des phénomènes : le savoir borne, trace des frontières. La profondeur, elle, se révèle lorsque l’on ne projette pas de cadres préétablis. Cette idée prépare déjà des développements du chapitre 48, où le Dàodéjīng évoque la diminution progressive du savoir pour atteindre le Dao.

5. Ligne 7 & 8- La Frontière entre Indéfinissable et Définissable, un Sens et des logiques opposées
Le texte souligne qu’il est impossible de tracer clairement la frontière entre Indéfinissable et Définissable. Ils « émergent ensemble » (tóng chū 同出), et cette émergence commune trouble leurs limites respectives.
Un exemple physique peut illustrer cela : en physique quantique, la distinction entre matière et vide devient floue à l’échelle subatomique. Ce que nous appelons « vide » n’est pas une absence, mais un champ d’énergie bouillonnant d’apparitions et de disparitions de particules virtuelles. Ainsi, l’« indéfini » et le « défini » se mélangent et s’interpénètrent, comme dans le texte. Le texte chinois utilise 此兩者,同出而異名 (cǐ liǎng zhě, tóng chū ér yì míng). On peut le traduire rapidement par : « Ces deux-là, [ont] même sortie/origine mais noms différents ». Le verbe 出 (chū) signifie « sortir, émerger, apparaître, se manifester », et non simplement « provenir » au sens d’une filiation abstraite. Dans le contexte, il exprime un mouvement, une émergence concrète depuis un même fond, plus qu’une origine purement conceptuelle.
C’est pourquoi j’ai choisi « émergent en une apparence similaire ». Le terme même apparence rend compte de cette sortie commune dans le champ du perceptible, mais laisse ouverte la possibilité que leur nature profonde reste distincte. L’idée de « même origine » m’aurait paru trop statique, presque essentialiste, alors qu’ici l’accent est mis sur la simultanéité de la manifestation et sur la perception humaine qui en résulte.
De plus, le verbe 出 porte parfois l’idée d’une extériorisation visible — ce qui rejoint la notion d’« apparence » — mais aussi celle de seuil : quelque chose qui passe du caché au manifeste. Cette ambivalence correspond bien au paradoxe de ces deux aspects (l’Indéfinissable et le Définissable) qui, bien que différents dans leurs définitions, apparaissent similaires dans le monde phénoménal. La seconde formule, 同謂之玄 (tóng wèi zhī xuán), poursuit la réflexion : « On les appelle pareillement “mystère” ». Ici, 同謂 ne se limite pas à dire que le nom est le même : il implique que, dans un certain plan de compréhension, ces deux réalités sont perçues comme relevant d’une même catégorie de sens. Or le terme 玄 (xuán) ne signifie pas seulement « mystérieux » ; dans la pensée taoïste, il désigne ce qui est profondément caché, irréductible à la logique discursive, une matrice originelle à la fois source et dissolution des distinctions.
Ainsi, le texte affirme simultanément :
que l'indéfinissable et le définissable se manifestent ensemble (apparence commune)
qu’ils sont définis différemment (noms distincts)
mais qu’ils sont désignés comme relevant du même « mystère » (sens commun).
C’est précisément cette cohabitation des différences et de l’unité qui produit la dimension paradoxale du passage. L’Indéfinissable et le Définissable, bien que séparés dans leurs contours, appartiennent au même domaine de l’insoluble. Le paradoxe n’est pas ici une contradiction à résoudre, mais une réalité à accueillir, un espace de tension fertile où la perception cesse de vouloir trancher.

6. Ligne 9 - Mystère et mise en abyme
Le caractère 玄 (xuán) exprime ici un mystère profond, obscur, et même une matrice originelle dont la logique est insoluble. J’ai enrichi la traduction en ajoutant « Voilà la mise en abyme » pour rendre cette impression d’un mystère qui contient lui-même d’autres mystères, sans fin.
Cette notion de mise en abyme illustre parfaitement la manière dont la philosophie taoïste perçoit le caractère infini de l’évolution et des expériences : un infini non seulement linéaire, mais aussi vertigineux, échappant totalement à la capacité d’analyse humaine. C’est un infini qui se déploie dans toutes les directions, où chaque élément contient potentiellement le tout.
Cette perception m’a personnellement aidé à envisager l’infini non seulement dans l’immensité des espaces cosmiques, mais aussi dans l’infime, jusque dans un grain de sable — rappelant que, pour le taoïsme, chaque partie du monde peut refléter la totalité.

7. Axe et perception subtile
Dans la dernière ligne du passage, traduite par « Voilà la porte menant aux innombrables subtilités », le texte insiste sur l’idée que le paradoxe, loin d’être une contradiction stérile, devient une porte vers une infinité de nuances et de possibles.
Ces subtilités naissent de la dialectique non antagoniste entre les deux axes évoqués dans le texte : le cosmique (vertical) et le mutatoire (horizontal). Ce n’est pas une opposition frontale, mais un dialogue permanent où chaque pôle nourrit l’autre. La compréhension de cette interaction ouvre à une perception du monde comme un champ évolutif, où chaque phénomène participe à une dynamique vivante et créatrice.
Cette intégration en abyme des paradoxes, vécue et contemplée à travers une stabilité méditative, me semble être précisément cette porte dont parle le chapitre : un passage intérieur vers un état de conscience capable d’accueillir la complexité du réel sans la réduire.
Cela conduit à une forme de conscience active et fluide, capable de percevoir simultanément la stabilité et la transformation, l’unité et la diversité, comme deux aspects inséparables de la même réalité.

Conclusion
Ce premier chapitre du Dàodéjīng met en lumière le paradoxe comme essence même d’une perception profonde et lucide du monde. Il invite non pas à fuir cette tension, mais à y demeurer, à l’accueillir comme un espace vivant où coexistent deux mouvements de la pensée humaine :
une gnose³, qui s’attache à l’endroit des choses, à leurs formes et à leurs contours ;
un mysticisme⁴, qui s’ouvre à l’envers et à l’essence invisible des phénomènes.
Le texte ne hiérarchise pas ces deux voies : il ne condamne pas la « frontière » évoquée dans ses vers, mais la présente comme une composante du réel, simplement incomplète si elle n’est pas comblée par une autre forme de regard. Ce refus du jugement péjoratif révèle une posture d’intégration : la reconnaissance que chaque aspect du monde a sa place dans l’ensemble, et que leur interaction est la véritable clé de compréhension.
Il laisse aussi entrevoir une perspective plus large : l’humain définit l’univers autant que celui-ci le définit. Le Dàodéjīng semble même suggérer que le regard humain participe à la fondation même du monde — que percevoir, c’est déjà co-créer. Mais ce rapport créateur n’est pas brutal : il est d’une finesse extrême, et demande cette subtilité plusieurs fois évoquée dans le texte, celle qui permet de maintenir vivante la relation entre l’Origine indéfinissable et les formes définissables. Les états d’« indéfinissable » et de « définissable » semblent alors naître d’une variation d’intensité dans ce rapport réciproque, depuis le trop-plein d’humanité qui impose la forme, jusqu’à son retrait dans une communion silencieuse avec le monde, qui rouvre l’accès au Mystère.
Cette lecture m’inspire profondément. Elle trace l’esquisse d’une philosophie et d’une spiritualité qui ne cherchent pas à effacer les contraires, mais à les accueillir et à les articuler. Une voie éminemment tolérante, où la relation et l’interaction deviennent le cœur de toute connaissance comme de toute action. À travers ce passage, le Dàodéjīng nous livre un message d’unité : chaque phénomène, chaque forme, chaque frontière et chaque ouverture y trouve son lieu, et la subtilité réside dans l’art de les faire coexister sans les réduire.
Ainsi, le monde se révèle comme un tissage mouvant où l’ombre et la lumière, le contour et l’infini, s’entrelacent sans jamais se défaire — et c’est dans cet entrelacs que l’œil qui contemple et la main qui fait trouvent leur espace et leur temps.
Cette conception, également appelée « éternalisme » en philosophie du temps, s’oppose au présentisme (où seul le présent existerait réellement). L’éternalisme affirme que tous les événements de l’espace-temps sont également réels, et que la distinction entre passé, présent et futur provient uniquement de la position de l’observateur. De façon complémentaire, le physicien Gunter Kletetschka propose que le temps possède trois dimensions propres, et que c’est le présent qui, en quelque sorte, « sculpte » notre perception en reliant certaines portions de ce tissu temporel. Ce modèle met l’accent sur l’importance du présent comme point d’articulation vivant, plutôt que simple instant fuyant : il devient l’interface active entre ce que nous appelons passé et futur, rendant ces notions encore plus relatives.
Sanbǎo 三寶 (Trois Trésors) : Concept central du taoïsme, souvent présenté comme jīng 精 (Essence), qì 氣 (Souffle/Énergie vitale) et shén 神 (Esprit). Dans la cosmologie taoïste et la médecine chinoise, ces trois composantes sont à la fois physiques, énergétiques et spirituelles, et représentent les fondements de la vie humaine.
Gnose : Du grec gnōsis (γνῶσις, « connaissance »). Dans son sens spirituel et philosophique, la gnose désigne une quête active de compréhension du réel visant à atteindre son essence, par l’étude, la contemplation et l’analyse. Elle implique un cheminement de connaissance destiné à dévoiler la structure profonde des choses.
Mysticisme : Du grec mystikos (μυστικός, « mystérieux », « relatif aux mystères »). Le mysticisme met l’accent sur l’expérience directe et immédiate de l’essence ou du divin, sans passer par l’analyse rationnelle. Il implique une immersion vécue, une communion avec ce qui est perçu comme ultime ou absolu. Contrairement à la gnose, qui cherche à comprendre, le mysticisme tend à « être en contact » avec l’essence. Dimension profonde et intuitive de la voie.




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