La pensée du Vide : Chronique cyclique, de l’Occident philosophe vers un pressentiment de yīnyáng.
- Lionel Silberman

- Jul 22
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"Le vide".
Un élément mystérieux, pourtant si familier. Il est présent partout dans le monde qui nous entoure, présent aussi en nous.
Le Vide étonne, parfois dérange, mais il est si inévitable qu’on finit souvent par l’oublier. C'est dans les contrastes qu'il se rappelle à nous: dans les silences, dans les creux, dans les absences qui ponctuent nos perceptions. Cela fait de lui un étrange élément de ce monde, un événement insaisissable.
Est-il une réalité physique ? Une sensation ? Un principe ? Un espace entre les choses ? Peut-être tout cela à la fois. Il est à la fois dehors et dedans : un phénomène naturel, une intuition intime pour beaucoup, une énigme conceptuelle sans aucun doute. Le vide nous encadre. Il nous entoure. Finalement à sa manière, il nous compose.

Depuis toujours, à travers l’Histoire, le vide accompagne la pensée humaine. Il est là, tapis dans l’arrière-plan de la science comme de la conscience. Il intrigue, interroge, il fascine.
Son mystère, sa « substance », n’ont cessé d’attirer notre attention.
En Occident, de nombreuses figures de la science, de la philosophie et de la physique se sont penchées sur sa notion. Rencontrer le vide, tenter de le définir, a jalonné toute l’histoire des représentations de la nature.
C’est à cette histoire que je voudrais porter attention : non comme à une simple chronologie des découvertes, mais comme à une succession de visions du monde. Chaque époque projetant sur le vide une manière de comprendre l’univers, et donc de comprendre ce que nous sommes.
Car derrière la définition du vide se pose toujours une même question essentielle :Qu’est-ce qui existe ? Et qu’est-ce qui n’existe pas ?
Le vide est-il seulement un espace sans matière ? Est-il un néant, au sens d'une absence absolue ? Peut-on, dans cet univers, désigner quelque chose qui n’est pas — sans pour autant en faire quelque chose ?
Des interrogations que certains jugeront trop abstraites, presque inutiles.. Mais ce sont ces mêmes questions qui, de tout temps, ont bordé l’origine de notre rapport au monde. Et peut-être, de manière plus intime encore, notre manière de concevoir la vie.
Jetons un œil sur les perspectives..
Reconnaissance Antique
Nous pouvons commencer notre exploration en revenant à l’Antiquité grecque, entre le Vème et le IVème siècle avant notre ère, là où certains penseurs s’efforcent déjà de concevoir la structure invisible du réel.
Les atomistes, en particulier Leucippe, Démocrite, puis Épicure, défendent l’idée que le vide est un phénomène réel, nécessaire au mouvement des atomes. Pour eux, toute chose dans l’univers est composée d’atomes indivisibles qui se déplacent dans un espace vide.

Sans vide, aucun mouvement ne serait possible: le vide est donc conçu comme un contenant sans matière, une condition même de la formation du monde.
"Ἔτι δὲ τὸ πᾶν ἐστι σῶμα καὶ κενόν· τῶν μὲν σωμάτων ὄντων, ὡς αὐτὴ ἡ αἴσθησις μαρτυρεῖ πᾶσιν· καθ’ ὃν δὲ τρόπον ἀναγκαῖον εἶναι τὸ κενόν, ὡς λόγου προσδεομένων τῶν ἀδήλων, προείρηται· εἰ δὲ μὴ ἦν ὃ λέγομεν κενόν καὶ χώραν καὶ ἀναφῇ φύσιν, οὐκ εἶχεν ἂν τὰ σώματα ὅπου ἦν οὐδὲ δι’ οὗ ἐκινεῖτο, καθάπερ φαίνεται κινούμενα."" L’univers est un corps et du vide. Que les corps existent, le témoignage immédiat des sens nous le confirme. Et c’est en recourant au raisonnement sur les choses non visibles que nous établissons l’existence du vide, qui, sans lui, n’aurait nulle part où se placer ni par où se mouvoir, comme nous voyons les corps se mouvoir." — Épicure, Lettre à Hérodote, 40 (Diogène Laërce, Vies des philosophes, Livre X).
Fait essentiel : pour les atomistes, le vide n’est pas un néant. Le néant, en tant qu’inexistence totale, n’a pas de réalité. Le vide, lui, existe pleinement : il est ce qui permet aux atomes de se mouvoir, de se combiner, de se séparer. L’univers est composé à la fois de matière (les atomes) et de vide, dans une complémentarité fondamentale. La matière est ce qui est: le vide est ce qui la rend possible.
"Οὐδὲν γίνεται ἐκ τοῦ μὴ ὄντος· εἰ γὰρ ἦν, πᾶν ἐκ παντὸς ἂν ἐγίνετο οὐδὲν δεόμενον σπερμάτων. Καὶ τὸ μὲν ἀπολλύμενον εἰς τὸ μὴ ὂν φθαρτὸν ἀπέρχεται, εἰ πάντα εἰς τὸ μὴ ὂν ἀπήρχετο, ἤδη ἂν πάντα ἀπώλετο." "Rien ne naît de rien, sinon tout aurait pu naître de tout sans besoin de semences. De même, rien ne se dissout dans le néant, sinon tout serait déjà détruit." - Epicure, Maxime Capitale XIII (Diogène Laërce, Vie des Philosophes X)
Cette vision du monde, formulée il y a plus de deux mille ans, anticipe d’une manière remarquable certains questionnements modernes sur la structure du réel. Elle pose déjà le vide non comme une absence, mais comme une condition active, une présence invisible inscrite dans l’ordre du monde.

Dans le même esprit, Lucrèce, poète latin et disciple d’Épicure, affirme dans De rerum natura que si le vide n’existait pas, aucun corps ne pourrait avancer. Tous les corps opposent une résistance par nature : sans un espace pour céder, rien ne bougerait.
Nam si non esset inane, nulla ratione moverires possent; nam officium quod corporis exstat, obstare atque obstipum esse, id in omni tempore adessetomnibus: haud igitur quicquam procedere posset,principium quoniam cedendi nulla daret res. Car s’il n’y avait pas de vide, rien ne pourrait se mouvoir ;la propriété inhérente au corps [l’atome] est d’opposer une résistance, et cette propriété existerait en tout temps pour tous les corps :aucun ne pourrait donc avancer, puisque rien ne céderait de place. - Lucrèce, De rerum natura, I, 329-334, ed. Bailey, 1947
Malgré sa puissance conceptuelle, cette cosmologie du vide et des atomes ne va pas trouver une si grande continuité. Elle traverse néanmoins toute l’Antiquité jusqu’à l’Empire romain, où elle sera progressivement marginalisée, avant d’être redécouverte bien plus tard.
Cela dit, elle propose déjà quelque chose de vertigineux : une vision du réel fondée sur l’invisible, sur un équilibre entre le plein et le non-plein, sur une structure discontinue, mouvante, où le vide ne retire pas : il permet.
Débat Antique
À mesure que se diffuse la pensée atomiste, une autre voix majeure de l’Antiquité se lève pour la contester : celle d’Aristote (384 av JC - 322 av JC). Philosophe de l'observation directe, héritier de Platon mais aussi de la tradition matérialiste grecque, Aristote s’oppose radicalement à l’idée d’un vide réel. Pour lui, la notion même de vide est inconcevable, elle est même absurde.
S'appuyant sur ses prédécesseurs et professeurs (Platon, Parménide, Anaxagore, Empédocle), Aristote construit une vision continue du réel, où tout est rempli, où aucune place n’est laissée à l’absence.
Τὸ μεταξὺ πᾶν οὐ κενόν, ἀλλὰ πλῆρες ἀεὶ ἑτεροίου. L'espace intermédiaire n'est jamais vide, mais toujours rempli d'air ou de feu. - Timée, 58a, Platonis Opera, ,Burnet, 1902, vol. IV, p. 58.
Οὐδὲ διαιρετόν ἐστιν, ἐπεὶ πᾶν ἐστιν ὁμοῖον· οὐδέ τι τῇ μᾶλλον κενεόν L'être est indivisible car homogène ; nulle part ne se trouve de vide. - Citation de Parménide; Simplicius, In Phys., 146.15, ver H. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker 1903, fr. B8
Οὐδὲν χρῆμα γίνεται οὐδὲ ἀπόλλυται, ἀλλὰ συμμίσγεται τε καὶ διακρίνεται. Rien ne naît ni ne périt, mais tout se mélange et se sépare. - Citation d'Anaxagore; Simplicius, In Phys., 164.14, ver D. Sider, The Fragments of Anaxagoras (1981, p.98)
Τέσσαρα γὰρ πάντων ῥιζώματα πρῶτον ἄκουε : Ζεὺς ἀργὴς Ἥρη τε φερέσβιος ἠδ' Ἀιδωνεὺς Νῆστίς θ' ἣ δακρύοις τέγγει κρούνωμα βρότειον. Écoute d'abord les quatre racines de toutes choses : Zeus [feu], Héra [air], Aidôneus [terre] et Nestis [eau]. - Citation d'Empédocle; Simplicius, In Phys. 158.1, éd. Diels-Kranz
Dans cette vision, tout ce qui existe est matière, ou combinaison de substances : l’espace est toujours plein de quelque chose.

Aristote refuse donc la conception d’un espace vide dans lequel des particules invisibles évolueraient, car cela échappe pour lui à la perception sensible.
Dans son traité traduit par "La Physique" (Φυσικὴ ἀκρόασις - fysikí akróasis), il affirme que le vide n’est qu’une abstraction de l’esprit — une absence de repères, un lieu sans qualité, ni quantité, ni direction.
Ἐν κενῷ γὰρ οὐθὲν ἔστιν ὥρισται· ὅπερ ἐστὶν ἡ φύσις τόπος. Dans le vide, rien n'a de lieu déterminé – or la nature est un lieu. - Physique , IV.6-9; 214b30-215a1; Édition Ross, p. 96
Ἐν τῷ κενῷ (…) πᾶν ἔσται ἰσόταχες. Dans le vide, tous les corps se mouvraient à la même vitesse." - Physique , IV.6-9; 215a20-24 Édition Ross, p. 97
Τὸ γὰρ κενὸν οὐθὲν ὂν οὐδὲ ποιὸν οὐδὲ ποσόν ἐστιν. Ὥστε οὐδὲ τόπος, εἴπερ ὁ τόπος τι τῶν ὄντων. Le vide, n'étant rien, n'a ni qualité ni quantité. Donc ce n'est pas un lieu, si le lieu est une réalité.- Physique, IV. 7, 214a16-20 p. 95-96
Pire encore, selon Aristote, imaginer un vide revient à nier l’ordre observable du monde : cela revient à postuler une réalité qui ne se manifeste pas. Il critique ainsi les atomistes :
Οἱ δὲ λέγοντες ἄτομα (…) ἀναιροῦσι τὴν αἴσθησιν. Ceux qui postulent des atomes détruisent la perception sensible. - De la Génération et la Corruption, I.8; 325a30-32 (Édition Joachim, 1922, p. 62)
Le conflit est net : deux visions irréconciliables s’affrontent.
D’un côté, celle de Démocrite et des atomistes : un monde fait de particules insécables qui se meuvent dans le vide, dont l’interaction engendre le réel visible. De l’autre, celle d’Aristote : un monde continu, plein, fondé sur la perception directe et la transformation des formes visibles.
Depuis cette opposition, l'Histoire Occidentale optera pour une perspective purement manifeste du monde.
L’oubli du vide
De Démocrite, presque aucun écrit ne nous est parvenu : plus de soixante-dix ouvrages cités par Diogène Laërce ont été perdus.
Au contraire, l’œuvre d’Aristote est intégralement transmise: grâce notamment au travail de Andronicos de Rhodes au Ier siècle av. J.-C., et au soutien des institutions impériales et religieuses.
L’aristotélisme deviendra le socle de la pensée scolastique et médiévale. Son rejet du vide s'imposera comme vérité officielle pendant près de deux mille ans, renforcée par l’Église qui jugeait l’idée d’un vide contraire à la plénitude divine du monde.
Pendant ce temps, l’atomisme, perçu comme ...matérialiste et moralement suspect, sera marginalisé, persécuté, puis presque effacé.
Le vide devient donc impensable durant 2000 ans.
Renaissance classique
Après des siècles d’oubli, l'idée du vide revient dans les esprits: non pas d’abord comme une certitude expérimentale, mais comme un soupçon.
Au XVIIe siècle, alors que la redécouverte des textes antiques bouleverse l’ordre médiéval, la science occidentale entre dans une période de mutation. L’atomisme revient en sous-main par Lucrèce et Épicure, mais c’est surtout par les expériences physiques qu’un tournant décisif s’amorce.
Retour de la pensée atomiste
En 1417, Poggio Bracciolini dans ses recherches de manuscrits redécouvre Lucrèce et la pensée atomiste dans un monastère allemand. L'évènement débouche plus de cent ans plus tard sur une première édition imprimée de l'oeuvre (1563). mise à l'index rapidement par l'Eglise (1599).
Les expériences de la pompe à vide
Tout commence par un problème concret : en Italie, les fontainiers de Florence constatent qu’aucune pompe à aspiration ne parvient à tirer de l’eau à plus de dix mètres de distance verticale. Cette limite mystérieuse défie les attentes mécaniques.
En 1638, Galilée s'interroge et propose une intuition révolutionnaire : et si l’air, en perdant sa pression au-delà d’une certaine hauteur, laissait place à un vide ? Il compare cette limite à "une corde trop tendue qui se rompt".

Son élève Evangelista Torricelli, en 1644, reprend l’idée et remplace l’eau par du mercure, plus dense, ce qui rend l'expérience moins volumineuse. Il observe un espace vide de 24 centimètres au sommet d’un tube fermé : le premier vide mécanique est créé. Torricelli vient ainsi, au passage d’inventer le premier baromètre à mercure.
« Cette expérience ouvre la voie à de nouvelles recherches sur la nature de l'air et du vide, et sur les forces qui agissent dans l'univers. » - Evangelista Torricelli; Lettre à Michelangelo Ricci, 1644.
Peu après, Blaise Pascal confirme l’expérience en montagne, au sommet du Puy-de-Dôme, et démontre que la pression atmosphérique diminue avec l’altitude — renforçant l’idée d’un vide partiel.
« Ce que les hommes appellent horreur du vide n'est qu'une ignorance des lois de la nature. » — Blaise Pascal, Traité sur le vide, vers 1651
Ces expériences ne créent pas encore une théorie du vide, mais elles l’objectivent. Le vide devient expérimentable, et donc à nouveau pensable.
Pierre Gassendi : un atomisme réconcilié
Dans le même temps, Pierre Gassendi (1592-1655), prêtre et philosophe provençal, tente de réhabiliter Épicure et l’atomisme antique, mais dans un cadre compatible avec la théologie chrétienne.

Dans son Syntagma philosophicum (posthume, 1658), il affirme que Dieu a créé les atomes, mais que leurs mouvements suivent des lois naturelles. Il reconnaît aussi l’existence possible du vide et en propose une définition mesurable, presque géométrique.
« Vacuum non est nihil, sed locus corporibus expers. » Le vide n’est pas un néant, mais un lieu dépourvu de corps. — Gassendi, Syntagma philosophicum, I, p. 183
« In vacuo manent dimensiones (longitudo, latitudo), licet desint corpora. » Dans le vide, les dimensions (longueur, largeur) persistent, même en l'absence de corps. — Gassendi, Lettre à Peiresc, 1634 (citée in Bloch, La philosophie de Gassendi, 1971, p. 150)
Le vide, dès lors, reprend corps dans l’intelligible, par la géométrie, la mesure, et une logique dénuée de scandale théologique.
Giordano Bruno : l'infini du vide
Bien avant que la science expérimentale ne redonne droit de cité au vide, un penseur l’avait déjà réintroduit avec éclat, dans une vision radicale et cosmique : il s'agit de Giordano Bruno (1548–1600).
Moine dominicain, philosophe, poète, lecteur passionné de Lucrèce et de Nicolas de Cues, Bruno propose une cosmologie infinie dans laquelle le vide n’est pas une anomalie, mais une nécessité ontologique.

Contre le cosmos aristotélicien qui est clos et hiérarchisé, Bruno imagine un univers infini, peuplé d’innombrables mondes, sans centre ni frontière. L’espace ( et donc le vide ) y est illimité, vivant et créateur.
Dans son ouvrage De l’infini, de l’univers et des mondes (1584), il affirme :
« Il n’y a pas un seul monde, une seule terre, un seul soleil, mais autant de mondes, autant de terres, autant de soleils que l’esprit peut en concevoir. [...] L’univers est infini et plein de vide. » — De l’infinito universo e mondi, Dialogue I, trad. L. Roux, 1993, p. 54
Il va plus loin :
« L’univers est infini parce qu’il est le théâtre d’un acte de création infini. Il est la manifestation du principe divin qui se diffuse dans l’espace comme dans le vide. »— De immenso et innumerabilibus, Livre I, 1591
Bruno ne considère pas le vide comme un simple contenant neutre : il est le lieu de la puissance créatrice, le champ d’émergence de la multiplicité. Le vide devient donc une expression de l’infini : non plus une absence, mais une ouverture infinie au possible.
« Le vide est l’indice de l’infini, non de l’absence. Il est cette liberté par laquelle l’univers se multiplie. » — De la cause, du principe et de l’unité, Dialogue II, trad. M. Cailleau, 1992
Un penseur sacrifié
Pour avoir défendu ces idées — l’infinité du vide, l’éternité de la matière, la pluralité des mondes — Bruno est arrêté, torturé, jugé pour hérésie, et brûlé vif à Rome en 1600.
Il est condamné autant pour sa théologie hétérodoxe que pour sa cosmologie. Car imaginer un univers infini, ouvert, et peuplé de vide, c’est contredire à la fois Aristote et les dogmes religieux.
Pourtant à travers son œuvre, Bruno aura inscrit dans la pensée occidentale une idée essentielle : le vide n’est pas un "trou" dans le réel, mais l’indice même de sa liberté.
Un passage entre deux perspectives : Henry More
Entre l’audace visionnaire de Giordano Bruno et la rigueur géométrique de Gassendi, une figure singulière s’impose comme point de jonction : Henry More (1614–1687). Philosophe platonicien de Cambridge, poète mystique et correspondant de Descartes, More incarne une tentative rare d’unifier métaphysique spirituelle et réflexion scientifique.

Là où Gassendi proposait un vide mesurable et rationnel, compatible avec la théologie, More ose une autre hypothèse : le vide est réel, mais il n’est pas neutre. Il est traversé d’une présence — une force subtile et diffuse, qu’il nomme Spiritus Naturae.
« Spiritus naturae permeat vacuum et medium motus efficit. » L’Esprit de la Nature imprègne le vide et permet le mouvement. — Enchiridion Metaphysicum, Opera Omnia, 1679, vol. II, p. 320
Dans cette perspective, le vide cesse d’être un simple contenant passif. Il devient réceptacle d’une intention cosmique, une capacité à être investi, un lieu d’animation invisible.
« Vacuum non est merum nihil, sed capacitas divinae praesentiae. » Le vide n’est pas un pur néant, mais une capacité pour la présence divine. — Lettre à Descartes, 1648, in Philosophical Writings of Henry More, éd. A. Jacob, 1995, p. 56
Le vide devient alors un seuil entre le monde matériel et une force plus subtile, un pont entre la matière et l’esprit, un espace de résonance — non sans rappeler, dans une forme différente, les intuitions de Bruno sur l’ouverture infinie du cosmos.
Mais là où Bruno ouvre à l’infini, More cherche une structure, un cadre intelligible, une organisation spirituelle du vide. Son influence se fera sentir, non pas directement chez les mystiques, mais chez un jeune scientifique talentueux : Isaac Newton.
More est l’un des professeurs et inspirateurs du jeune Newton à Cambridge. Il lui transmet l’idée que le vide n’est ni rien, ni chaos, mais un milieu de forces, où l’ordre invisible précède la manifestation. Newton s’éloignera vite de la métaphysique de More, mais conservera cette conviction essentielle : le vide structure.
Et c’est sur cette intuition (un vide est à la fois réel, mesurable, et porteur de lois )que s’ouvrira la prochaine perspective occidentale: celle de l’espace absolu, et de la formulation de grandes lois mécaniques universelles.
L'Espace Absolu
Avec Isaac Newton (1643–1727), le vide entre définitivement dans le domaine des lois physiques universelles. Héritier des expérimentations de Torricelli et Pascal, lecteur de Gassendi, marqué dans sa jeunesse par Henry More, Newton ne conçoit pas le vide comme absence chaotique ni comme réceptacle divin, mais comme structure fondamentale de la réalité : l’espace absolu.

Dans ses Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica (1687), il définit ce vide non plus comme anomalie ou accident, mais comme le cadre constant et homogène dans lequel les corps se meuvent, et les forces s’exercent. Le vide devient fondement géométrique de la mécanique céleste.
« Spatium absolutum, natura sua sine relatione ad externum quodvis, semper manet similare et immobile. » L’espace absolu, par sa nature, sans relation à quoi que ce soit d’externe, demeure toujours semblable et immobile. — Principia Mathematica, Livre I, Scholium, éd. Cohen & Whitman, 1999, p. 64
Ce vide n’est plus seulement un lieu d’aspiration (comme dans l’expérience du baromètre), ni un cadre abstrait (comme chez Gassendi), ni un réceptacle spirituel (comme chez More), mais une réalité stable, mesurable, universelle. Il ne dépend d’aucun référent externe : il est autonome et nécessaire pour que les lois de la gravitation s’appliquent dans l’espace.
Dans Opticks (1704), Newton va plus loin encore : il postule que des forces agissent dans ce vide, indépendamment de toute matière visible.
« Les forces qui agissent à travers le vide, comme la gravité, montrent que la nature ne dépend pas uniquement de la matière visible. » — Opticks, Livre III, Question 31
Ainsi, le vide devient milieu d’action invisible : un lieu où la lumière se propage, les corps interagissent, les champs se déploient — sans support matériel. Ce qui ne manque pas d’étonner les contemporains, tant l’idée d’un espace "vide mais actif" semblait encore paradoxale quelques décennies plus tôt.
Mais Newton reste attaché à une vision absolue, fixe, universelle du vide : c’est un espace sans histoire, sans courbure, sans altération. Une scène immobile sur laquelle se déploient les phénomènes naturels.
Le vide newtonien : entre abstraction et fondement
Le vide chez Newton n’est donc ni néant, ni simple trou dans le plein. Il est ce cadre indéformable, réel mais invisible, qui permet de mesurer, calculer, prévoir.

Ce vide reste cependant passif : il ne se transforme pas, il n’interagit pas avec la matière, il ne change pas en fonction de ce qu’il contient.
C’est sur ce point que, plus de deux siècles plus tard, viendra une révolution : celle d’Albert Einstein, qui proposera un modèle où le vide n’est plus fixe, mais relatif, déformable et énergétiquement actif.
Mais déjà, avec Newton, le vide n’est plus un mystère marginal. Il devient l’un des piliers de la science moderne, un élément constitutif de l’univers, un principe géométrique et mécanique.
Le vide relatif : Einstein et l’espace-temps dynamique
Avec le XXe siècle, la science atteint un nouveau seuil de compréhension du réel.
Grâce aux progrès techniques, mais surtout à l’émergence d’esprits visionnaires, la notion de vide se transforme une fois encore. Et celui qui va la bouleverser durablement, c’est Albert Einstein (1879-1955).
Là où Newton voyait le vide comme un cadre absolu, immobile et indépendant des corps qu’il contient, Einstein le rend dynamique, courbe, vivant.

Dans sa théorie de la relativité restreinte (1905), puis surtout dans la relativité générale (1915), il développe une nouvelle conception de l’espace : l’espace-temps. Un tissu quadridimensionnel, souple, modelé par la matière, par l’énergie, et dont le vide devient une forme particulière d’organisation, plutôt qu’un simple néant.
« La lumière se propage dans le vide sans nécessiter de milieu matériel, ce qui montre que le vide n'est pas un "rien" absolu. » — Albert Einstein, On the Electrodynamics of Moving Bodies (1905)
Le vide devient alors structure géométrique. Il n’est plus seulement un contenant : il participe de l’agencement du monde. Dans ce tissu spatio-temporel, les corps ne flottent pas "dans" un vide neutre — ils sont partie intégrante d’un champ, qu’ils déforment en fonction de leur masse et de leur énergie.
« Même en l'absence de matière, l'espace-temps peut avoir une structure complexe. Le vide n'est pas simplement une absence, mais une entité physique active. »— Albert Einstein, The Meaning of Relativity (1921)
Dans ce cadre, le vide n’est plus "extérieur" à la matière : il est intimement lié à elle, affecté par elle, porteur de ses traces. Einstein affirme qu’il peut même être porteur d’énergie ( l’énergie du vide ), ce qu’il introduit comme constante cosmologique dans ses équations de la relativité générale, notée Λ (lambda). Cette constante vise initialement à stabiliser l’univers dans ses modèles, mais sera plus tard réinterprétée comme expression d’une expansion dynamique du cosmos.
« Les objets physiques ne sont pas ‘dans’ l’espace, mais ces objets ont une ‘étendue spatiale’. De la sorte, le concept d’‘espace-vide’ perd son sens. »— Albert Einstein, Relativité : Théories Spatiales et Générales, Annexe 5, 1961
Autrement dit : le vide n’est jamais vide. Il contient des champs, il courbe, il fluctue, il peut se dilater. Il interagit avec les formes qu’il accueille. Il est en tension permanente entre la stabilité mathématique et la mutation cosmique.
Mutation du vide : de l’absolu au fluctuant
Avec Einstein, la rupture est complète : le vide cesse d’être un décor, il devient un acteur.
Chez Newton, le vide était un espace indépendant des corps et des forces.
Chez Einstein, le vide est inséparable de ce qu’il contient : il est déformé par la matière, informé par l’énergie, porteur d’effets.
Et surtout : il possède une dynamique propre. Même en l’absence de matière, l’espace-temps conserve une topologie, une densité d’énergie minimale, une activité: le vide devient champ.
Ainsi, plus de deux mille ans après Démocrite, Einstein redonne au vide une place centrale - non plus comme simple négatif de la matière, mais comme milieu créateur d’événements. Non plus comme un « rien », mais comme un substrat fondamental, à la fois invisible et structurant, qui modèle l’univers autant qu’il est modelé par lui.
Entre vide et plein : un Souffle dans l’univers
Les travaux d’Albert Einstein ont introduit une révision conceptuelle profonde de la notion de vide, rompant avec la vision dualiste qui avait jusqu’alors structuré la pensée occidentale : celle d’un monde organisé selon une opposition entre le "plein" (matière) et le "vide" (absence de matière).
Le vide n’est plus conçu comme un manque, mais comme une composante active susceptible d’interagir, de transformer, voire d’engendrer. Par symétrie, la matière elle-même perd de son autonomie ontologique : elle est désormais pensée comme information organisée dans le champ de l’espace-temps, inséparable du vide qui la sous-tend et la structure.

Ce dépassement du paradigme dualiste aboutit à la formulation implicite d’une troisième dimension conceptuelle : un plan plus profond de la réalité qui n'est entièrement réductible ni à la substance pleine ni à l’absence formelle. Cette dimension (encore difficile à circonscrire ) réside dans les interactions, les tensions, les modulations qui s’opèrent dans le champ unifié du vide et de la matière. Elle évoque une logique non-binaire, où les opposés traditionnels se fondent dans une co-présence dynamique, susceptible d’émergence, de résonance, voire de transformation mutuelle.
Ainsi, chez Einstein, la physique rejoint discrètement les intuitions de certaines cosmologies anciennes : le réel ne repose pas sur une opposition stable entre être et non-être, mais sur un flux permanent de relations, dans lequel vide et plein deviennent des expressions transitoires d’un même fond actif — une matrice en perpétuelle modulation, comme un Souffle perpétuel.
Et aujourd'hui?
Aujourd’hui nous sommes désormais éloignés de l’idée du vide comme d’un phénomène fixe, un néant absolu, une simple absence de matière. Le vide est désormais conçu comme une entité dynamique, dotée d’une structure, d’un potentiel, d’une fonction propre dans la trame de l’univers.
Très récemment, la physique quantique a renouvelé en profondeur notre compréhension du vide. Elle ne le conçoit plus comme un espace passif ou silencieux, mais comme un état d’énergie minimale, jamais totalement vide d’activité.
Dans cet état, appelé vide quantique, des fluctuations spontanées peuvent survenir, donnant lieu à l’apparition éphémère de paires de particules et d’antiparticules dites virtuelles. Bien qu’elles n’existent que de façon transitoire, leur influence peut être mesurée. L’effet Casimir, par exemple, montre qu’entre deux plaques métalliques proches, une force d’attraction naît… dans ce vide censé ne contenir « rien ».

Le vide n’est donc plus absence, mais une tension vibrante, un réservoir de potentialités. Il est traversé d’un fourmillement invisible, où des événements apparaissent et disparaissent en permanence, comme si la manifestation et le retrait formaient un seul et même mouvement.
Certaines hypothèses récentes suggèrent que la matière observable pourrait émerger de ces fluctuations, en écho ou en résonance avec les champs déjà existants dans l’univers.
Ainsi, le vide devient acteur, principe d’interaction, champ d’échange. Il n’est plus l’opposé de la matière, mais son interlocuteur, son miroir, peut-être même son origine partagée.

De là à affirmer que toute matière provient du vide ? Rien n’est encore définitivement prouvé, mais nous n’avons jamais été aussi proches, dans la pensée occidentale, de reconnaître en ce fond instable, vibrant et silencieux, un lieu d’émergence du réel.
Conclusion :
Cette rétrospective nous permet de constater un cycle étonnant : une idée forte naît dans l’Antiquité, chez Démocrite et les atomistes ; elle disparaît pendant près de deux millénaires, combattue, marginalisée, puis réapparaît à l’époque moderne, redéployée, ajustée puis étendue.
Plusieurs enseignements émergent de ce long détour :
• Le vide est difficile à définir sans paradoxe : il échappe à nos cadres logiques. Impossible de le confirmer pleinement, impossible aussi de le nier. Il est ce point aveugle de la pensée, présence insaisissable mais incontournable.
• Le Vide ne se comprend que dans la relation : seul, le vide reste stérile dans la réflexion. Mais mis en regard de la matière, il devient révélateur, générateur de sens, axe de transformation. C’est dans leur interaction que se dessinent les lois et les formes du monde.
• Le Vide pourrait être un principe d’engendrement : certaines théories récentes laissent penser que le vide possède une capacité créatrice, une puissance d’apparition. Il ne serait donc pas une simple inaction, mais un foyer latent de formes futures.
En ce sens, il s’éloigne radicalement de la notion de néant. Il ne nie pas, il ne supprime pas : il prépare. Il ouvre. Il laisse advenir.
Le Retour des anciens
Ce parcours ne peut que susciter l’admiration envers les atomistes grecs, qui —(deux millénaires avant nos mesures expérimentales ) pressentaient déjà une structure du monde mêlant l’invisible, le discontinu, et un vide réel.
Einstein lui-même déclarait son admiration pour Démocrite, reconnaissant en lui une forme de génie précurseur, capable d’aller au-delà des apparences sensibles pour imaginer une réalité plus fine, plus essentielle.
Les anciens, comme Démocrite, ont deviné avec une remarquable prescience ce que nous avons mis des siècles à démontrer. Leur vision d’un monde régi par des lois invisibles reste une leçon d’humilité pour la science moderne. - Correspondance entre Albert Einstein et Michele Besso , 1903–1955* (1972), éd. Pierre Speziali, lettre du 12 janvier 1952.
Revenir à ces cosmologies antiques, ce n’est pas renier le progrès scientifique moderne. C’est reconnaître que le savoir n’avance pas toujours en ligne droite, mais parfois en spirale. Que certaines idées surgissent, s’effacent, puis reviennent autrement, enrichies, transfigurées. L’histoire du vide en Occident est peut-être moins une progression qu’un retour, une oscillation entre l’oubli et la mémoire, entre le visible et le caché.

La présence silencieuse
Le vide, au fil des siècles, a cessé d’être le simple envers de la matière.
Il n’est plus absence, mais tissu vibrant d’équilibres.
Une matrice sans contours fixes, à la fois fondement invisible et présence agissante.
Il n’est ni chose, ni non-chose, mais cette trame ouverte où le visible et l’invisible s’enlacent, où les formes surgissent, s’évanouissent et renaissent.
En cela, il échappe toujours à toute définition fixe : il n’est pas seulement absence, mais disponibilité.
Il n’est pas le contraire du plein, mais ce qui rend possible toute transformation.
Peut-être n’avons-nous jamais quitté sa proximité.
Peut-être que toute chose naît du vide, s’y dissout, s’y réorganise — comme le souffle, imperceptible et pourtant essentiel, qui relie l’être à l’espace, et le monde à lui-même.
Épilogue : Une perspective ancienne en filigrane
Et si, dans ce lent parcours de retour vers le vide, l’Occident redécouvrait sans le savoir ce que d’autres traditions n’avaient jamais oublié ?
Car cette trame où se mêlent apparition et disparition, cette dynamique entre le plein et le vide, cette absence qui ne nie pas mais prépare, cette présence qui ne s’impose pas, mais rend possible..... tout cela, dans une autre langue et une autre civilisation porte des noms anciens : la notion de transmutation nommée Yì 易, l'effet de potentiel nommé Qì 炁, la logique duelle non-antagoniste d'interaction nommée yīnyáng 陰陽, son modèle d'organisation le Tàijítú 太極圖.
Dans la vision cosmologique chinoise antique, le réel n’est jamais figé : il est circulation, alternance, modulation d’intensité. Le vide y est déjà porteur, non d’absence, mais de potentiel. Le plein n’y est jamais complet sans l’ouverture que le vide lui offre. Les deux s’enlacent, se soutiennent, s’engendrent mutuellement.

Ce que la science moderne découvre peu à peu ( ce fond vibrant, ce champ d’émergence, cette dynamique invisible ) est peut-être l’ombre portée d’une sagesse plus ancienne, qui savait déjà que l’opposition n’est qu’une étape de la compréhension. Que la matière et le vide ne sont pas deux, mais les deux souffles d’une même respiration.
Peut-être l’univers n’est-il pas structuré par des entités séparées, mais par des relations de transformation. Peut-être le savoir ne consiste-t-il pas à choisir entre vide et plein, mais à apprendre à les lire ensemble, comme on perçoit la lumière par contraste avec l’ombre.
Et peut-être que la vérité du vide, si tant est qu’elle existe, ne se dévoile jamais mieux que dans l’espace que nous lui faisons.
À suivre...
Bibliographie:
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•Aristote. De la génération et de la corruption. Éd. Joachim, Berlin, 1922.
•Diogène Laërce. Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres. Livre X. Trad. R. Genaille, éd. Garnier-Flammarion, 1965.
•Épicure. Lettre à Hérodote, in Diogène Laërce, Livre X.
•Épicure. Maximes capitales. Trad. par J. Bollack, éd. du Seuil, 1975.
•Lucrèce. De rerum natura, Livre I, v. 329-334. Trad. H. Clouard, éd. Les Belles Lettres, 1961.
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•Giordano Bruno. De l’infini, de l’univers et des mondes (1584). Trad. L. Roux, Paris : Vrin, 1993.
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•Evangelista Torricelli. Lettre à Michelangelo Ricci (1644), in Torricelli, Opere, éd. Favaro, Rome, 1919.
•Pierre Gassendi. Syntagma Philosophicum, Lyon : Anisson, 1658.
•Pierre Gassendi. Lettre à Peiresc, 1634. Citée in Raymond Bloch, La Philosophie de Gassendi, PUF, 1971, p. 150.
•Henry More. Enchiridion Metaphysicum, in Opera Omnia, vol. II, Londres, 1679.
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•Isaac Newton. Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, 1687. Ed. Cohen & Whitman, Berkeley : University of California Press, 1999.
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•Einstein, Albert. Zur Elektrodynamik bewegter Körper [On the Electrodynamics of Moving Bodies], Annalen der Physik, vol. 17, 1905, pp. 891–921.
•Einstein, Albert. Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie, Annalen der Physik, vol. 49, 1916, pp. 769–822.
•Einstein, Albert. The Meaning of Relativity. Princeton University Press, 1922.
•Einstein, Albert. Relativité : exposé vulgarisé, trad. Maurice Solovine, Paris, Gauthier-Villars, 1961 (notamment l’Annexe 5 sur le vide).
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