La Terre, au Fil du temps - Lìxià 立夏
- Lionel Silberman
- May 8
- 6 min read
Updated: May 10
Lìxià 立夏 est la 7ème période solaire de l'année et la première estivale. Elle ouvre la saison d'été sur nos contrées. La séquence survient cette année des alentours du 5 mai au 20 Mai. On traduit communément son nom par "Commencement de l'été". Explorons quelque peu ses caractéristiques essentielles. (infos basiques des jiéqì ici).
La Porte de l'émergence
Dans le calendrier chinois, lixia est une séquence "Jié 節", un "noeud" saisonnier qui marque une phase de rupture entre deux états de la nature. Une séquence de mutation radicale.
立夏，四月节。夏，假也，物至此时皆假大也。 Lìxià, nœud du 4e mois. 'Xià' signifie "accueillir" : toutes choses, en ce moment, accueillent la grandeur (céleste). - Yuèlìng Qīshíèr Hòu Jíjiě 月令七十二候集解; Wú Chéng 吴澄, époque Yuan (1271–1368)
Suite à une période de pluie tiède, fine et dense où l'humidité des sols se réchauffe par l'action conjointe d'un ensoleillement plus intense et d'une température plus forte dans l'air (portée par le vent), c'est au tour du Vent de s'atténuer. Cet arrêt cause le recul de la "mobilité horizontale" des climats (le déploiement "aux quatre vents") et favorise alors une "mobilité verticale" (leur ascendance et leur intensification) pour les 15 prochains jours.
S'engendre ainsi Lì 立: "l'émergence vers la culmination".
Le Vent est le climat majeur du printemps: un produit des effets du réchauffement solaire sur les masses d'air froides de l'hiver, provoquant leur dynamique.
Ces derniers temps, le mouvement du vent faisait voyager les climats et permettait leur répartition, provoquant alors simultanément une dispersion. Ce phénomène limitait naturellement leur regroupement et une croissance vive.
Au début de l'été, le frein à la culmination est levé par le retrait du vent majeur. L'ascension des climats (notamment celle de la chaleur) fait émerger l'humide des sols pour proposer son énergie au dehors de yīn : l'humide s'externalise dans l'air, cheminant vers les hauteurs yáng et poursuivant sa chauffe. Ce phénomène nouveau s'intensifiera au fur et à mesure, jusqu'à créer parfois une ambiance suffocante: le mēnrè 闷热, phénomène caniculaire. Lìxià engendre donc (depuis le Sol et par le Ciel) des valeurs transitoires de Yáng, un état où l'humidité côtoie le chaud et voit sa substance se modifier .
立夏后，断霜，南风息，暑气渐升 Après Lìxià, le gel cesse, les vents de sud refluent, le souffle-énergie de l'été monte progressivement. -Nóngzhèng Quánshū 农政全书; 1639
立夏之日，蝼蝈鸣，蚯蚓出，王瓜生 Au jour de Lìxià, les criquets chantent, les vers de terre émergent, les wángguā poussent. -Lǚshì Chūnqiū 吕氏春秋; 239 av. J.-C.
Le début de l'été est donc la porte d'une émergence: et avec elle s'instaure une cascade de phénomènes yáng transitoires (éléments de mutation, de mobilité, de hauteur, de légèreté/subtilité, de grandeur et d'externalité). L'humide chauffé va dès cette période communier et transmuter avec tous les éléments de la nature, aussi bien l'animal que le minéral et évidemment le végétal qui évolue alors sous l'effet de ses propriétés. Le processus poursuivra son chemin, et trouvera son apogée dans 45 jours, au Solstice.
L'humidité & la chaleur: symbiose communicante.
L'humide couplé au chaud forment un climat particulier, classifié en énergétique chinoise comme un état shàoyáng 少陽 ("jeune yang," ou "yang transitoire") : notre étude jusqu'ici nous a permis d'observer plusieurs phénomènes permettant de comprendre un peu mieux sa présence et ses dynamiques au coeur des sols. À savoir une émergence (encore jeune) de yang, un état transitoire qui opère dans son sillage de nombreuses mutations. "L'humide" et le "chaud" engendrent dans leur espace un phénomène fédérateur, un réseau de symbioses des organismes du sol et une transmutation vive des substances. Pour une plante, l'humidité chaude dans le sol favorise par condensation et apport de substances nutritives actives une prolifération des modes d'échanges au sein des mycorrhizes (collaboration des champignons & racines) et une augmentation de la collaboration des micro-organismes (bactéries) avec les racines.
La plante favorise la survie des champignons en apportant des sucres, tandis que le champignons apportent l'eau, le phosphore et l'azote. En formant un "réseau fongique " autour des racines, les champignons jouent un rôle clé dans la décomposition de la matière organique complexe, à l'origine de processus chimiques élaborés mais aussi dans la fédération et la communication des plantes entre elles en organisant le transit de nombreux échanges sur de longues distances (nutriments, signaux chimiques d'alerte contre les pathogènes) .
La plante nourrit aussi les micro-organismes (bactéries) par exsudat de sucres et matières acides: ces derniers en échange vont également décomposer les substances fines.
En été, ce trio accroît ses échanges et ses transits pour engendrer depuis les sols un réseau complexe et étendu qui favorise la diversité des plantes et permet la création d'une biochimie complexe, issue d'un melting-pot d'influences: par exemple la synthèse accrue des hormones végétales (les auxines entre autres , qui stimulent le développement cellulaire et permettent l'épanouissement de nombreuses plantes).
Note:
Avez vous remarqué, qu'à l'image du sol de notre planète, la chaleur humide humaine propose les mêmes rapports de symbiose bactérienne (notamment au sein du système gastro intestinal ... mais pas que là 😉)? Si nous percevons souvent les dérives pathologiques de ce phénomène, il est intéressant d'en discerner les aspects physiogènes de fédération et communication..
La Chaleur humide: transit subtil de substances aérobies.
Avec l'augmentation de la chaleur, l'humidité chaude depuis les sols s'évapore et se déploie sur les parties aériennes de la plante. Ce phénomène crée une deuxième voie de réponse métabolique à celle vécue par les racines: une deuxième substance moins dense (ici nommée "chaleur humide"), va porter avec elle des produits subtils (Composés volatils) provoquant une stimulation des feuilles.
Avec cette seconde phase, la plante est prête pour enrichir sa photosynthèse et produire des métabolites secondaires en réaction à des "stress" adaptatifs de saison (composés volatils, stress oxydatif & photorespiration).
Pour résumer ⬇️
Vers la Culmination des plantes: la Grande floraison
Lixia se compose donc d'une émergence verticale qui favorise le rapport Soleil-Plantes et engendre un climat propre à la période de chaleur et d'humide combinées: ce climat va stimuler les plantes et déclencher les phénomènes métaboliques nécessaires à la floraison, créant une grande diversité d'apparitions colorées 😊
夏三月，此谓蕃秀，天地气交，万物华实 Les trois mois d'été font une luxuriante diversité: le souffle-énergie du Ciel et celui de la Terre fusionnent et un nombre incalculable de produits en émanent . Huángdì Nèijīng 黄帝内经, Sùwèn 素问, chapitre 2; version contextuelle.
Nous aborderons plus tard l'expression de cette floraison et ses enjeux... histoire de mieux les discerner avec les autres périodes de l'été 🌸
Oui, mais .... il fait froid et il pleut en ce moment..
Effectivement, dans certaines régions de France, l'émergence de l'été se fait attendre.. Nous nous rendons alors compte que chaque séquence dans une année dépend aussi de l'énergie propre à une année entière : chaque année est bel et bien unique et aucun Jiéqì de ne ressemble d'une année à l'autre !
S'il est des phénomènes en constante évolution, ce sont bien les climats de notre planète.. Le monde offre ce paradoxe (très intéressant) d'être simultanément similaire et différent à chaque instant.
Nous ne rentrerons pas ici dans la discussion (très volatile dans les opinions) de l'impact humain sur la situation écologique et les climats, nous ne ferons ici qu'observer les mécanismes locaux.
Ne serait-ce qu'ici dans le Centre-Est, la pluie fine et dense de la dernière période a été plus froide que prévue. La proposition de pluie tiède est compromise et va donc retarder l'émergence de la chaleur en provoquant une période intermédiaire d'évacuation du froid en plénitude dans les sols, car le soleil plus chaud est déjà au travail. Se crée alors une période de brume fraiche qui s'évapore et rejoint le ciel, entrant un "conflit" avec la chaleur en hauteur: se poursuivent les pluie et la condensation du froid sans trop de vent pour le bouger. Il va falloir attendre un peu, mais rien ne dure: bientôt nous nous retrouverons dans la plainte d'une chaleur vive surgie peut-être trop vite de derrière une montagne 😊.
En attendant, bonne période à vous, au mieux du temps, entre Ciel et terre !
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Rappel: le cycle des jiéqì se fonde sur l'observation annuelle des rapports cosmiques entre la Terre et le Soleil. Il décrit ce continuum de rapports en mutation, observables au fil du temps dans notre écosystème. 24 séquences divisent l'écliptique (la trajectoire apparente du Soleil autour de la Terre) en segments de 15° chacun correspondant à environ 15 jours. Chaque jiéqì exprime une mutation énergétique, climatique, agricole et phénoménologique. Inspiré par le Taoïsme, notamment la Théorie de Yīnyáng (陰陽理論 Yīnyáng lǐlùn), le cycle jiéqì illustre l'équilibre dynamique entre les forces célestes (Soleil) et terrestres (réactions de la Terre).
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